La versification (rimes et strophes)

© http://www.photo-effect.com/Aujourd’hui un article où il est question de sexe et de richesse (des rimes), de regroupements et d’embrassades (des vers), tout un programme! (qu’est-ce qu’il faut pas faire pour s’attirer des lecteurs…)

Nous voici dans le troisième volet des règles d’écriture de poèmes telles que définies pour la poésie française. Vous souvenez-vous avoir appris à compter vos pieds pour en faire des vers? (J’adore quand les homonymies nous offrent des phrases qui frôlent l’absurde!). Êtes-vous de ceux qui adhèrent à l’idée que la contrainte est un puissant outil de libération de l’écriture? Alors les contraintes ci-dessous devraient vous seoir (et là j’avoue avoir eu un gros doute sur l’infinitif à l’origine de « il me sied »… pourquoi donc avoir entendu venir sous ma plume un tel mot plutôt qu’un simple « vous aller », « vous convenir », « vous plaire »?!).

Comme le potier façonnant l’argile pour lui donner la forme voulue: vase, plat, cruche…  nous allons agencer les mots, les vers pour leur donner la forme d’un sonnet, d’une ballade, aux rimes suivies, embrassées ou croisées. Commençons par celles-ci.

Les rimes

1/ État civil

Pour ceux qu’il l’ignorerait, la rime est la répétition de sonorités identiques en fin de vers. Pour que deux vers riment, la dernière voyelle accentuée et tout ce qui suit doit se prononcer de la même manière. Par exemple amoureuse rime avec audacieuse, disparition avec inhibition, égrégore avec encore, palimpseste avec… euh… vous avez eu assez d’exemples! (ah si tiens: manifeste…).

Lorsque l’on pousse le vice talent jusqu’à reproduire le même phonème (son) au milieu et à la fin du vers, on parle alors de rime intérieure ou « léonine ».

2/ Sexe

Les rimes sont sexuées (si si!), un peu comme les humains:

– Une rime est dite féminine si elle s’achève par un « e » muet (amoureuse, audacieuse, égrégore, encore, palimpseste…).
– Elle est masculine lorsqu’elle s’achève par une syllabe accentuée (disparition, inhibition, inattendue, combat…).

3/ Richesse

Les rimes ont des degrés de richesse différents, un peu comme les humains:

pauvres, elles n’ont qu’un seul son en commun (une voyelle répétée)

Lancinante douleur qui s’immisce sous ma peau
Glace mon sang, broie mon cœur et m’écroule en sanglots

suffisantes, elles bénéficient de deux sons en commun (un ensemble consonne + voyelle)

Stériles sont ces cendres aimées
Et Phœnix ne renaît jamais.

riches, elles ont le privilège de faire coïncider au moins trois sons!

Ses racines s’enfoncent au-delà de la raison
Et ses griffes labourent quelle que soit la saison

(Oui, mes alexandrins font plutôt treize pieds que douze à cause de ma tendance à vouloir que le « e » soit toujours muet à défaut de le faire disparaître!).

La richesse de la rime ne tient pas au nombre de pieds communs mais bien au nombre de sons! Vol et  envol forment une rime riche.

4/Qualités

Il y a des « bonnes » et des « mauvaises » rimes. Une rime trop « facile » est considérée comme « mauvaise », un peu comme les humaines:

– on ne fait pas rimer deux verbes conjugués: chantions / dansions
– on ne fait pas rimer deux adverbes en « -ment »: gaiement / ouvertement
– on respecte l’orthographe et on ne fait pas rimer singulier et pluriel (-s, -x, -z): jasmin /gamins
on n’utilise pas deux fois le même mot: vanité / vanité

5/ Comportement social

Prenons un groupe de quatre vers, leurs rimes se croisent, s’embrassent, se suivent, un peu comme les humains avec les humaines:

– Rimes suivies (ou plates): A A B B

J’aimerais pouvoir hurler sur les toits du monde
L’étau qui m’emprisonne n’est souffrance immonde
Ma voix enchaînée dans des liens inextricables
Entraîne que de hurler je suis incapable

– Rimes croisées: A B A B

Qui nous frappe sans trêve et encor nous condamne
A n’être rassemblés et à toujours errer
Aux sinueux sentiers de la terre et de l’âme
Ainsi que deux moitiés à jamais affligées.

– Rimes embrassées: A B B A

Sur mon chemin il y a des pierres et du sable
De la chaleur, la soif et les yeux transparents
Sur le vôtre il y a la verdure d’encens
Le froid, le sang bien caché, le bonheur aimable…

Les strophes

Nos mots sont maintenant contenus dans des vers qui riment entre eux, reste à assembler ses derniers. Les vers sont regroupés sous forme de strophes, distinguées par le nombre de vers qu’elles contiennent:

– Monostiche: un vers
– Distique: deux vers
– Tercet: trois vers
– Quatrain: quatre vers
– Quintil: cinq vers
– Sizain: six vers
– Dizain: dix vers

Les formes de poèmes

Certains poèmes ont une structure déterminée et figée. En fait, depuis l’abandon des poèmes moyenâgeux aux règles strictes (lai, virelai, rondeau, ballade) seul le sonnet est encore en usage.

Un sonnet est constitué de deux quatrains suivis de deux tercets pour lesquels les rimes sont disposées selon la contrainte suivante:

A B B A   A B B A   C C D   E E D (ou E D E).

Là je crois que je n’ai pas de bon exemple à vous soumettre, du moins pas le courage d’aller vérifier la structure des rimes de tous mes sonnets! Celui-ci cependant est assez proche, si on admet un A B B A   A C C A   A A D   E E D (et qu’on est indulgent sur les « e » pour respecter l’octosyllabe…)!!!

Voilà ton image qui s’efface
Peu à peu lavée par ces eaux
Il n’en demeure que des photos
Images figées comme seules traces

Voilà ma raison qui te chasse
Va rechercher la guérison
De toi et de cette émotion
Me persuader que je suis lasse

Voilà les jours, le temps qui passe
Et les distances qui se déplacent.
Mais à l’heure de ne plus t’aimer

Voilà ta voix, tes mots, mon cœur,
Ses souvenirs, ta peau, l’odeur,
Et l’interdit de t’oublier.

Aller, plus qu’à aller prochainement sur les plates-bandes de Une Voix en parlant musicalité et sonorités et j’en aurais fini avec la versification! D’ici là, j’attends vos premiers sonnets!

6 réflexions sur “La versification (rimes et strophes)”

  1. Ping : Réveil - Une Plume & Une Voix

  2. Bravo vous deux!
    Une Voix, j’aurais tendance à voir dans le choix de ton nombre de pieds la marque d’une plume plus habituée à l’écriture de chansons! 😉
    Notre lecteur assidu, sens-toi libre (je viens de lire que la liberté t’était chère 🙂 ) d’emprunter, d’autant que la réponse est belle! Et juste pour info je conjugue à nouveau. 😉

  3. A mon tour 😀

    J’ai envie d’essayer
    J’ai envie de le faire
    Contre tous et en vers
    Faire les rimes s’embrasser

    A défaut de croiser
    Les fins comme le fer
    De les suivre en enfer
    Pour la forme imposée

    Une fois deux fois rien
    Roupie de trois deux un
    Quatre sous sansonnet

    Une fois deux quatrains
    Trois vers puis deux plus un
    Pour écrire un sonnet

  4. ….. Heu, à vouloir aller trop vite, je me suis un gros poil trompé sur une rime…… Désolé ! 🙂 Voici donc la version revue et corrigée :

    « Mon image, c’est ton temps qui passe,
    Le lourd chagrin de tes sanglots.
    L’amour, figé sur des photos,
    Ne peut qu’altérer notre espace.

    Ta raison n’est pas à sa place
    Car l’Amour seul est guérison.
    Si tu y cherches l’émotion,
    Ces projections sont une impasse.

    Grâce à ces jours, au temps qui passe,
    Ton esprit fera volte-face.
    Pour conjuguer le verbe aimer

    Il faut avoir lâché ses peurs,
    Ses souvenirs et ses rancœurs
    Et être en paix pour s’oublier. »

  5. Je me suis permis de « sonner » 🙂 en reprenant ton beau poème déchirant pour, en quelque sorte, y répondre. Pardonne-moi de cette emprunt et surtout n’y voit aucune forme d’intrusion dans ton art ou dans ta vie hein ! C’est juste pour essayer d’appliquer les règles que cet article propose et pour participer un peu puisque je suis, parait-il, « le lecteur assidu »…. 🙂
    Voici donc la réponse que m’a inspiré ton poème :

    « Mon image, c’est ton temps qui passe,
    Le lourd chagrin de tes sanglots.
    L’amour, figé sur des photos,
    Ne peut être qu’un lourd fardeau.

    Ta raison n’est pas à sa place
    Car l’Amour seul est guérison.
    Si tu y cherches l’émotion,
    Ces projections sont une impasse.

    Grâce à ces jours, au temps qui passe,
    Ton esprit fera volte-face.
    Pour conjuguer le verbe aimer
    Il faut avoir lâché ses peurs,
    Ses souvenirs et ses rancœurs
    Et être en paix pour s’oublier. »

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