À supposer qu’on me demande ici

À supposer qu’on me demande ici d’user de mon talent naturel pour la rédaction de phrases démesurément longues pour, non seulement vous expliquer le principe de cette tirade unique en prose, extrêmement développée et commençant par la formule : « À supposer qu’on me demande ici de… », mais également vous en rédiger à la volée un exemple concret, je vous assure – et vous pouvez croire au sérieux de cette affirmation – que je ne manquerais pas d’accepter le défi et que je me lancerais volontiers et sans aucune réticence dans l’explication de cette contrainte oulipienne proposée par Jacques Jouet que l’on me demande même d’illustrer par un spécimen de mon cru, sans pour autant oublier de comptabiliser les caractères de cette laborieuse formule puisqu’il parait, et c’est même l’inventeur de la dite forme qui l’indique, qu’un A supposer que sérieux comporte au minimum mille caractères, soit environ deux cents mots car c’est en effet le ratio couramment admis, ce qui entraîne inévitablement que l’on soit obligé de considérer mon A supposer que comme sérieux étant donné qu’il comporte très exactement un nombre de caractères égal à la racine carrée de un million trois cent quatre-vingt-douze mille quatre cents c’est-à-dire en tout et pour tout et sans faire de chichi, mille cent quatre-vingts signes en excluant bien sûr tout espace inutile dans la comptabilisation des composants de cet écrit!

9 réflexions sur “À supposer qu’on me demande ici”

  1. Ping : Décidez d'être heureux - Partie 2 - Une Plume & Une Voix

  2. C’est une contrainte qui existe également dans le Nouveau Roman (mouvement artistique de la même époque que l’Oulipo). Claude Simon est un exemple parfait, comme par exemple dans La Route des Flandres. Il utilise les mots, les sensations pour passer d’une époque X à une époque Y (voire ensuite à une époque Z) sans que le lecteur s’en aperçoive de suite. Les mots, par exemple une simple couleur, nous amènent dans les souvenirs du narrateur qui renvoient à autre chose et la ponctuation, absente pour notre plus grand malheur, n’est pas là pour nous aider à comprendre immédiatement où nous nous situons dans la temporalité. Ainsi, à la troisième page apparaît enfin le premier point… C’est un fait assez déstabilisant mais au fil des pages, on s’habitue au fait que les phrases se juxtaposent, que les subordonnées comportent des subordonnés (comme chez Proust d’ailleurs), et cela devient même un plaisir de lire simplement et de comprendre où nous en sommes sans avoir besoin de revenir en arrière.

    1. Bienvenue, Caro, sur ce blog et merci pour ton commentaire!
      Cette remarque sur le Nouveau Roman est très intéressante. Je crois qu’il sera bon à l’occasion, de faire un article sur ce mouvement littéraire!

    2. Salut Caro,
      Bienvenue parmi nous! D’autant que je sais que tu nous apporteras des informations précieuses étant de part ta formation et ton métier bien plus calée que nous sur la langue française! 🙂
      Et une lecture de plus à ajouter à ma liste!
      Merci pour ta contribution.

  3. À supposer qu’on me demande ici de répondre à vos commentaires en usant de la même contrainte suscitée et étonnamment attirante pour ma plume leste et preste à s’envoler vers une logorrhée sans queue ni tête ne visant qu’à produire une succession de mots qui me permettrait d’atteindre les plus de mille caractères fatidiques expressément requis par la contrainte oulipienne, je commencerais par m’incliner bien bas devant vos phrases respectives, l’une décrivant à merveille les différents aspects contraignant de la technique tant dans sa formule de démarrage que dans son nombre de caractères obligatoires (le tout souligné en en produisant un exemple qui nous pousse à chercher une racine carrée improbable), l’autre s’avérant une excellente introduction pour un sujet de philosophie (psychologie sociale ?) sur la liberté, le sentiment de liberté, l’adaptation de l’humain aux règles de sa meute, voire son aliénation à cette dernière, et ce malgré le fait évident qu’il nous faille lire les dites phrases non pas une, ni même deux, mais bien trois fois pour être sûrs d’en avoir bien compris toutes les parties, du moins en est-il ainsi pour mon humble personne dans les brumes d’un dimanche matin !

  4. T’as utilisé un logiciel pour comptabiliser tout ça ? 🙂 A mon avis même pas ! 🙂
    Cela dit, chapeau bas car l’épreuve doit, il me semble, demander pas mal de temps et de travail pour tout imbriquer et faire coller parfaitement à la contrainte.

    « A supposer qu’on me demande ici de faire de même, je ne m’en sentirais pas vraiment capable (pour le moment), ne bénéficiant pas d’énormément de temps à consacrer à une telle contrainte et surtout – et là est sans doute la vraie raison de mon ressenti incapacitant – éprouvant beaucoup de difficultés à me sentir « prisonnier » d’une façon écrite de m’exprimer qui ne me semble pas vraiment la mienne, enfermée dans une contrainte non choisie et quelque peu déstabilisante même si, comme tout le monde, dans ma vie de tous les jours, j’obéis parfaitement bien – en bon petit humain formaté par un apprentissage culturel, familial, sociétal et aujourd’hui mondial – à des règles et des lois qui infligent à ma soi disant « liberté » une véritable peine de prison à vie inconsciente qui a fini par éradiquer chez moi – partiellement il est vrai – la part d’insoumission salutaire que tout être humain réfléchi se devrait de développer harmonieusement alors que chacun de nous s’acharne à imposer à son prochain un respect total du credo en vigueur, pensant que c’est le seul moyen d’obtenir une paix extérieure qui, soit dit en passant, ne reflète absolument pas les pensées intérieures de la majeure partie des participants à cette humanité – peuple moutonneux et obéissant qui refoule à longueur de temps sa véritable nature – humanité dont les instances dirigeantes, plus soucieuses de leur propre tranquillité que de la notre, ont, depuis la nuit des temps, décidé du fond et de la forme que devrait revêtir un groupement social, utilisant à cette fin, pas mal de subterfuges et allant même jusqu’à définir, en inventant des religions dogmatiques, ce qu’est Dieu et ce qu’il en coûte de désobéir à Ses lois sans tomber sous Son divin courroux, mélange d’amour et de colère (antagonismes flagrants !) qui instille chez nous les venins de la peur, de l’épouvante, de la hantise d’être soi-même et par extension, une certaine lâcheté de vivre qui nous empêche d’être enfin libres, déchargés de toutes ces contraintes que même parfois la bonne littérature voudrait nous imposer, plus par jeu que par mauvais dessein…… »

    C’est en ce sens que je ne sens vraiment pas la capacité de participer à cet article tu vois……. 🙂 🙂

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