Non, mon titre ne signifie pas que l’on n’aime pas ce que l’on écrit, même si on pourrait l’interpréter ainsi en capillotractant (j’aime bien ce néologisme) quelque peu notre façon de le comprendre. En plus, ce n’est même pas mon titre… j’ai piqué la phrase d’une chanson de Zazie : « Sur toi ». Fort heureusement, nous pouvons encore utiliser des phrases qui appartiennent à des chansons sans être taxés de plagiat, sinon, vu la prolixité des auteurs, beaucoup de termes nous seraient interdits, à commencer par le fameux « je t’aime » chanté sur bien des tons et dans bien des langues !
Non, je ne viens pas pallier le manque de loquacité de Une Voix ces derniers temps en terme d’articles de composition, de musique, d’analyses de chanson. Simplement, j’aime cette chanson, j’aime beaucoup des chansons de Zazie, et celle-ci à une saveur toute particulière : elle parle d’écriture. Et, je vous surprendrai peut-être, mais c’est un thème qui m’est chair cher.
Il y a longtemps, au lycée, était-ce un beau jour ou peut-être une nuit pour une dissertation, un commentaire composé, ou même en cours de philosophie ? Toujours est-il que je me souviens encore d’avoir discuté sur ce fait étonnant : le bonheur ne se raconte pas. Un peu comme quand des parents parlent des enfants à une future mère, ils vous racontent toutes les contraintes et les misères de la maternité, de la parentalité, et puis pour le reste « tu verras, c’est que du bonheur ! ». On n’écrit pas la chance qu’on a. Avez-vous lu beaucoup de romans qui ne parlent que de bonheur, de bons moments ? Dans la majorité des cas, on nous montre les déboires des protagonistes, on s’étend peu sur leurs moments heureux. Prenez un Disney, quand tout est résolu l’histoire s’arrête, « et ils vécurent heureux… ». Le bonheur serait-il barbant ?! Et les informations ! Combien de catastrophes, de guerres, de désastres, de meurtres, d’accidents à la une pour combien de jolies histoires, de cordonnier ou de professeur qui à sa tâche chaque jour change la vie ?
On n’écrit pas sur ce qui va bien. Que ce soit pour un roman, ou quand on écrit son journal, on jette plus souvent des mots qui parlent de problèmes, d’obstacles, de challenges, de deuils, de contrariétés qu’on ne raconte la beauté de quelques nuages roses sur un ciel azur, la sensation de joie au sourire des enfants, la douceur du sable du château que l’on bâtit, la sérénité à faire la planche dans l’eau tiède au grand soleil, les fous rires entre amies, le plaisir des câlins avec un être aimé. Il y a plus de mots pour les émotions négatives que positives, non ? Ou du moins elles nous rendent plus loquaces. Et Zazie évoque très bien cela, écoutez-la :
Belle chanson d’amour, n’est-il pas ? D’amour pour celui qu’elle évoque, d’amour de l’écriture, d’amour de la vie. Et qu’il est facile de m’y retrouver et de répondre à l’aide de ses mots à ce « pourquoi écrire ? ». Écrire c’est reculer l’instant où tout va s’écrouler… Le blues, le spleen, la douleur inspiratrice des poètes ; l’écriture comme une catharsis : la transformation de l’émotion en pensée.
Bien sûr, il existe des contres-exemples, heureusement. A vous de le les citer ci-dessous !
En attendant, j’écris à côté de toi, autour de toi, avec toi, pour toi, grâce à toi, à cause de toi, par toi, sans toi, par choix, mais, non, pas sur toi… Rassure-toi !
J’écris sur ce que j’endure
Les petites morts, sur les blessures
J’écris ma peur
Mon manque d’amour
J’écris du cœur
Mais c’est toujours
Sur ce que je n’ai pas pu dire
Pas pu vivre pas su retenir
J’écris en vers
Et contre tous
C’est toujours l’enfer
Qui me pousse
A jeter l’encre sur le papier
La faute sur ceux qui m’ont laissée
Écrire c’est toujours reculer
L’instant où tout s’est écroulé
On n’écrit pas
Sur ce qu’on aime
Sur ce qui ne pose pas
Problème
Voilà pourquoi
Je n’écris pas
Sur toi
Rassure-toi
J’écris sur ce qui me blesse
La liste des forces qu’il me reste
Mes kilomètres de vie manquée
De mal en prose, de vers brisés
J’écris comme on miaule sous la lune
Dans la nuit, je trempe ma plume
J’écris l’abcès
J’écris l’absent
J’écris la pluie
Pas le beau temps
J’écris ce qui ne se dit pas
Sur les murs, j’écris sur les toits
Écrire, c’est toujours revenir
A ceux qui nous ont fait partir
On n’écrit pas qu’on manque de rien
Qu’on est heureux, que tout va bien
Voilà pourquoi
Je n’écris pas
Sur toi
Rassure-toi
J’écris quand j’ai mal aux autres
Quand ma peine ressemble à la votre
Quand le monde me fait le gros dos
Je lui fais porter le chapeau
J’écris le blues indélébile
Ça me paraît moins difficile
De dire à tous plutôt qu’à un
Et d’avoir le mot de la fin
Il faut qu’elle soit partie déjà
Pour écrire ne me quitte pas
Qu’ils ne vivent plus sous le même toit
Pour qu’il vienne lui dire qu’il s’en va
On n’écrit pas la chance qu’on a
Pas de chanson d’amour quand on en a
Voilà pourquoi, mon amour
Je n’écris rien
Sur toi
Rassure-toi
Sur Toi – Zazie