Aller, aujourd’hui je viens faire d’une pierre deux coups ! Je vous présente un nouveau mot (je suis intimement persuadée que vous n’utilisez pas cadratin tous les jours, de même que palimpseste ou égrégore, sauf si vous travaillez dans l’édition !) et j’introduis une information qui me sera utile dans un prochain article sur la typographie du dialogue.
Les différents tirets
J’ai découvert le terme « cadratin » il y a peu, alors que venant vous soumettre un de mes vieux textes, je me suis intéressée aux règles d’écriture des dialogues. Pour le coup M. Wikipedia m’a peu aidée (« Le cadratin, en typographie, est une unité de mesure de longueur des espaces ») , M. Larousse m’a embrouillée (« Blanc de composition de même épaisseur que le caractère utilisé et servant à donner le renfoncement des alinéas »), et j’ai réalisé que parfois peu importe la définition exacte du mot ! Après tout même si ce « cadratin » qualifie le tiret dont je vais vous parler, il importe peu de savoir ce qu’il signifie, il nous sert ici surtout à singulariser le tiret que nous allons utiliser et à le différencier du trait d’union dont vous êtes coutumiers.
Parce qu’il faut bien l’avouer, de nos jours, nous écrivons principalement par le biais de nos claviers… Et nos claviers nous offrent deux traits faisables directement, que d’aucuns appellent « tiret du six » et « tiret du huit » pour les différencier, ce qui me fait toujours sourire ! En l’occurrence môsieur le « tiret du six » est notre banal trait d’union. Le « tiret du huit », lui, il m’a fallu passer par son nom anglais (underscore) pour retrouver son patronyme français: tiret bas ! Deux tirets accessibles directement donc, et dans ma grande naïveté j’ai cru que notre trait d’union était donc ce marqueur des dialogues que l’on trouve au début de chaque locution dans un échange entre personnages d’un roman. Et je me trompais…
Il y a en fait trois types de tirets typographiques, dont le tiret bas ne fait pas partie, différenciés par leur longueur.
1 – Le tiret court correspond à notre trait d’union, lequel existe sous quatre formes:
* Le « tiret de césure » (« ‐ », Unicode 0x2010), utilisé pour séparer un mot en deux lors d’un retour à la ligne.
* Le « trait d’union insécable » (« – », Unicode 0x2011, HTML ‑
ou ‑
), utilisé pour séparer des intervalles (par exemple «1992‑2012 »).
* Le « trait d’union conditionnel » (« – », Unicode 0x00AD, HTML ­
), utilisé pour permettre aux logiciels de couper le mot en deux en fin de ligne dans des zones de texte de taille variable.
* Le « tiret quart-cadratin » (« – », code Unicode 0x002D), véritable trait d’union, utilisé dans tous les autres cas et séparant les mots composés.
2 – Le tiret moyen ou « demi-cadratin » (« – », Unicode 0x2013
, HTML –
ou –
), utilisé pour lister les énumérations ou séparer des intervalles composés. Il est aussi fréquemment utilisé à la place du tiret cadratin pour encadrer les éléments incidents ou les propositions incises (en remplacement des parenthèses).
3 – Le tiret long ou « cadratin », (« — », Unicode 0x2014, HTML — ou —), cause de cet article !
Le tiret cadratin
Comme vous avez pu le deviner en lisant la description du tiret moyen, notre tiret cadratin sert à encadrer les éléments incidents et les propositions incises. Il a alors la même fonction que les parenthèses mais on lui attribue un aspect plus littéraires qu’à ces dernières. Ce tiret long rompant la régularité du texte, beaucoup d’éditeurs lui préfèrent le tiret moyen qui préserve une meilleure homogénéité de gris à la page.
Mais sa principale fonction est celle qui justifie que je vous aie entraînés dans une description technique et relativement rébarbative (bien qu’instructive) des différents tirets typographiques :
Le tiret cadratin est le marqueur placé en début de ligne qui indique la prise de parole d’un personnage.
A chaque changement de locuteur nous aurons donc un tiret long ! Et s’il nous arrivait d’écrire une pièce de théâtre (qui sait ?), il nous servirait encore pour séparer le nom du personnage de sa réplique.
Voilà donc révélée la première contrainte que nous aurons lors de l’écriture de dialogues, l’utilisation de ce fameux tiret cadratin. Prochainement, je vous expliquerai comment configurer votre éditeur de texte pour insérer facilement ce tiret long dans vos pages, le six et le huit ne pouvant nous aider directement ! Puis il sera temps de connaître toutes les règles de typographie des dialogues et nous n’aurons plus qu’à en écrire. Ça vous tente ?
Bonjour,
Grand merci pour cet article. Je me suis rendu compte que, word me faisant utiliser à mon insu les tirets moyens d’énumération (qui se placent automatiquement dès qu’on a placé le premier), j’avais tendance à reproduire ce système.
Une fois ceci éclairci, cela va mieux. Mais je ne travaille pas sous Word actuellement, ni sous Libre Office, mais sous Scrivener. J’ai découvert accidentellement comment obtenir un tiret cadratin de dialogues : il suffit d’un appui long sur le « tiret du 6 ». Enfin, j’écris qu’il suffit… Le problème c’est qu’il faut lâcher la touche assez tôt pour que le logiciel ne produise pas, à la file, une salve de tirets cadratins… Peu pratique. J’ai contourné le problème en utilisant le ctrl-C/ctrl-V. Si quelqu’un a mieux, je suis preneur. En attendant, ça fait le taf.
Merci encore
Bonsoir,
Dans Scrivener une option fait qu’en tapant deux tirets « du 6 » d’affilée un tiret demi-cadratin est substitué. En fait de demi-cadratin, j’ai l’impression que c’est bien un cadratin qu’il met (je vérifierai dans les prochains jours). Cette option est dans Outils -> Options -> Corrections, et se nomme : Remplacer les doubles traits d’union par un tiret demi-cadratin.
Au même endroit il est possible de cliquer sur « Editer les substitutions » pour insérer la substitution qui vous convient le mieux si vous souhaitez autre chose que le double trait d’union.
Je vous souhaite une bonne fin d’année 2022 !
Une plume.
Merci pour cette indispensable leçon de typographie.
Le cadratin est le plus souvent ignoré des « écrivants » débutants pour la bonne raison qu’il n’existe pas sur nos claviers ! Le mieux, c’est de se faire un raccourcis dans le menu « correction automatique » de Word.
Le mien c’est « — » me rend » — » ou alors avoir recours à la palette des « caractères spéciaux ».
Pour les dialogues il faut deux espaces insécable + — + un espace insécable.
Pour ma part, j’ignorais qu’il y avait des « tirets insécables » c’est à dire un tiret qui ne coupe pas un mot sur deux lignes quand on « justifie » le texte. Par exemple :
porte-manteau au lieu de porte-
manteau.
Mais faut-il encore connaitre la notion barbare d’« insécabilité » d’un caractère, dont seuls quelques rares initiés partagent les « mystères ».
Bonjour,
Merci pour ce commentaire !
La façon de faire le raccourci dans Word est indiquée dans l’article publié par la suite : https://uneplume.net/2012/12/faire-des-tirets-cadratins-dans-word-et-libre-office/.
Quant à l’insécabilité, je n’ai pas encore prévu d’article sur le sujet, mais qui sait, ça pourrait venir !
Bonne journée !
C’est vrai, tu as raison, c’est périodique. Ce sont mes menstruations à moi ! 🙂 J’aimais bien ma période Bisounours mais c’est, hélas, passé……
D’accord avec toi sur le reste. 😉
PS: Mon fiston (le dernier, parce que les deux autres ne rentrent plus dans ce type de discussions déprimantes pour eux, disent-ils !), donc mon fiston est bien plus grand que moi (1,82m) et je discute souvent avec lui sur la réfection du monde mais rien ne change – en apparence…………. Il n’est sans doute pas assez grand 🙂
Tu as oublié le stylet sur pierre et les idéogrammes peints !! 🙂
Sans vouloir te contrarier 🙂 je ne pense pas que je me dévalorise même si j’ai pu, une ou deux fois, développer quelques idées sous forme textuelle sur un accompagnement musical adapté. Cela ne fait pas pour autant de moi, il me semble, ni un écrivain, ni un auteur compositeur prolixe digne de cette dénomination.
Entendons-nous bien, je suis tout de même très heureux d’avoir pondu cela et ravi si ça a pu toucher quelqu’un mais je n’y vois rien de plus qu’une « inspiration/expiration », à des moments précis de mon parcours. Quelques idées développées, certes avec sincérité et passion, mais qui n’ont rien de commun avec la véritable littérature où la poésie lyrique élevée.
Je crois qu’il faut, le plus possible, rester lucide et humble et essayer de se voir tel que l’on est (même si on évolue) sans rajouter ou retrancher quoi que ce soit à nos valeurs intrinsèques. Je place sans doute la barre du talent assez haut mais je ne vois pas cela comme une dévalorisation ou une fausse humilité. J’essaie d’être le plus simple et le plus conscient possible et, après mise à plat et recul, je me reconnais pour ce que je suis. Enfin, c’est mon ressenti jusqu’à aujourd’hui. 🙂
Bien des gens aujourd’hui, grâce à Internet et aux divers médias-poubelles, finissent par se prendre pour des artistes à part entière. C’est, pour moi, à la fois grave et lamentable car à ce train-là, la vraie littérature, la vraie poésie…. et l’expression artistique en général finiront au ras du trottoir, entre vulgarité et business, faisant du citoyen lambda un consommateur non avisé de produits de sous-culture « mac-donaldisés » (vite achetés, vites avalés, vite oubliés !). Processus hélas bien engagé même si, heureusement, quelques éléments dissidents (sur ce blog par exemple…) essayent de contrecarrer cette dégénérescence intellectuelle…..
Bref : encore un coup de gueule tu vois……. 🙂 Je ne sais pas pourquoi, mais ces derniers temps, je me sens un talent fou pour balancer sur ce monde chaotique et déstabilisé. Là, je ne me dévalorise pas hein !!! Hihihihi !
C’est périodique les coups de gueule 😉
Moi je suis dans une période Bisounours. Je pense comme toi qu’on peut, à notre échelle, changer le monde. Et je tâche de le faire autant que possible. Pour ce sur quoi je ne peux pas agir directement, je le confie à Plus Grand que moi…
…. Heu : ma production écrite est égale à :………………… zéro ! Et je ne pense pas que ça va aller en progression 🙂 Quant à diffuser,……. c’est tellement diffus ……. 🙂
Peut-être un livre avec que des pages blanches (déjà été fait je crois)…………….. Ou des pages en palimpseste mais sans réécriture par dessus ! 🙂
Mais finalement, lire un livre, lorsqu’on colle complètement à ce qu’on lit, c’est un peu comme si on l’avait écrit non ?….. Non ?……… Tant pis….. 🙂
Philou, tu te dévalorises : il me semble avoir déjà lu de très beaux textes de toi.
Quant à savoir s’ils avaient été écrits à la plume, au stylo bic, en unicode ou en UTF-8, cela n’a pas tellement d’importance à mes yeux 😉
Dans mes connaissances et dans mon job, j’en connais pas mal moi, des cadres, qui à force de se prendre des « tirs » deviennent des cadres « atteints » ! Tirs et cadres atteints quoi………………. 🙂
Sinon, je ne pense pas avoir tout compris de ce vocabulaire sibyllin : unicode, HTML et autres 0×2011 et éditeur de texte….. Faut dire que je ne suis pas très doué en manipulation de clavier de PC et que je tape encore avec deux doigts, en cherchant souvent les caractères et en ne sachant pas toujours comment procéder…… C’est grave docteur Une Plume ? Devrais-je revenir à la plume Sergent Major et au flacon d’encre ? 🙂
Bah la partie Unicode et HTML est là au cas où des initiés en auraient besoin. En l’occurence, la seule chose que nos lecteurs auront besoin de savoir pour écrire des dialogues, c’est comment faire un cadratin avec leur traitement de texte (Word dans la majorité des cas…) et ça c’est prévu pour un article de décembre! 🙂 Donc rien de grave Monsieur.
Revenir à la plume et au flacon je crains que ça ne ralentisse encore plus ta production écrite, qui sera certes plus rapide au départ, mais nécessitera une étape de passage dans un traitement de texte si tu veux diffuser! Encore qu’en parlant à un certain logiciel de ma connaissance il tapera pour toi sous la dictée…