Décevant Renaudot

NaissanceNaissance de Yann Moix a reçu le Prix Renaudot 2013. Je me faisais une joie de lire ce livre. J’avais lu des critiques enthousiastes, peuplées d’adjectifs convaincants : « hilarant », « poétique », « dantesque ». Rien que ça. J’aurais du me méfier. On devrait toujours se méfier des critiques… et des prix aussi.

A l’heure où j’écris cet article, je suis perplexe. Jusqu’à présent, il m’est très rarement arrivé de commencer un roman et de ne pas le finir. Le dernier en date c’était Léonore, toujours de Christine Angot, il y a quelques années. J’ai lu, je pense, la moitié du livre, avant de renoncer, consternée, découragée et même un peu choquée par les allusions à tendances incestueuses de l’auteur, une femme qui plus est. La question qui m’a empêché de continuer ma lecture alors était la suivante : le récit est-il purement fictif ou en partie autobiographique ?

Pour Naissance, j’ai tenu 10 pages. Je me suis interrogée, remise en question. Peut-être suis-je trop fatiguée ce soir ? Je manque sans doute de culture et d’entrainement pour approcher ce style jugé « époustouflant » par d’autres. Encore quelques pages… Je vais m’habituer, c’est sûr. 15 pages… Que c’est dur, que c’est pesant, emphatique… éprouvant !

J’ai persévéré. Sans doute les pages suivantes seront-elles moins pénibles à lire, moins prétentieuses, moins vulgaires aussi. Peut-être l’auteur en aura-t-il assez d’enchaîner, des pages durant, des synonymes plus invraisemblables et capilo-tractés les uns que les autres ? Peut-être l’auteur se lassera-t-il de s’écouter énumérer des énormités sur la procréation, la grossesse et l’enfantement à grand renfort d’images irrévérencieuses et salaces.

20 pages, je n’irai pas plus loin. Le livre en compte 1152. Trop pour mes forces, trop pour moi. Un roman, pour moi, ça devrait au moins avoir une de ces qualités : plaisant, fluide, intéressant, haletant, amusant. Ici, rien de tout cela. Pour moi, encore une fois. Il s’agit d’un avis très personnel. J’assume mon caractère bisounours peu enclin à lire des écrits rébarbatifs, indigestes, hautains. Oui, j’aime les livres qui interpellent, qui attisent ma curiosité, qui stimulent mon imagination ou ma réflexion. Mais je dis non aux propos malsains, de par leur violence ou leur obscénité. Non aux lectures qui m’écœurent ou me dégoutent. Oui à l’odeur de la patate douce, non à celle des égouts.

C’est très subjectif, j’en conviens. Peut-être aurez-vous un autre avis que le mien, à nous faire partager, j’en serais ravie. Ravie de comprendre ce qui vous a plu, là où je « n’ai pas accroché ».

En attendant, je ne boude pas mon plaisir : je vais me faire un polar, tiens.

7 réflexions sur “Décevant Renaudot”

  1. J’ai choisi deux extraits que je pense représentatifs (…en tout cas, représentatifs des vingt premières pages !) :

    « Vous avez écrasé vingt-quatre collemboles, monsieur Moix. Vous êtes leur Monsieur Jourdain et en même temps leur Himmler. Je continue. Car votre curriculum vitæ fait vraiment figure de Shoah animalière. Je n’avais point vu cela depuis le Docteur Petiot… Une hécatombe ! Tenez, vous voulez la suite ? Trois mille six cent trente-neuf moustiques, trois zygentomes, trente-quatre protoures – ça vous me le paierez ! –, soixante-douze scarabées, neuf æschnes bleues, quatre cent vingt-huit larves, quarante et un lestes, huit agrions, trente-six cochenilles, neuf cent quarante-deux asticots, deux mille sept cent vingt-sept mouches, cinquante-six carabes, quatre-vingt-un lépismes, dix-sept grillons, dix-sept mille cinq cent quarante-trois poux, cinq embies, cent vingt-quatre bourdons, quatre-vingt-huit perce-oreilles, soixante-deux borées, quatre-vingt-dix-neuf taons, deux cent quinze blattes, trois poissons d’argent, six calopteryx, vingt cigales, quatre mantes, deux tipules, quarante-sept cicadelles, vingt-deux chrysopes, cinquante-quatre thrips, quatre-vingt-douze panorpes, neuf cent quatre-vingt-sept pucerons, vingt-huit libellules, six perles, deux sialis, trente raphidies, mille trois cent quarante-cinq fourmilions, cinq éphémères, soixante-dix-sept doryphores, mille cent trente-deux guêpes, huit cent quatre-vingt-six abeilles, trente deux mille cinq cent quarante-trois fourmis, six cent soixante-six vermisseaux, deux cent soixante-quatorze gendarmes… Et je ne compte pas, évidemment, toutes les bêtes qu’on a dû abattre pour satisfaire à votre appétit. À vos petits « goûts culinaires » ! »

    « Ma mère avait exigé de mon père que l’exercice de la saillie eût lieu une nuit où la lune était aussi pleine que dans un film de Méliès (au pire de son plagiaire Ferdinand Zecca) parce que, prétendait-elle, « les événements terrestres sont alors en sympathie avec les choses d’en haut ». Lorsqu’elle doutait de ses capacités à mettre bas – une sorte de concurrence se faisait sentir entre ses amies du même âge et elle : c’était à qui ferait le plus grand nombre de beaux bébés ; il fallait par conséquent faire vite et bien –, elle enfournait dans ses entrailles une gousse d’ail recouverte de chocolat Poulain et implorait le dieu Sobek : si à l’aube, dans sa bouche (puisqu’il est avéré, depuis Ptah-Hotep, que l’utérus communique avec le larynx), le goût de l’ail l’emportait sur celui du cacao, elle n’accoucherait que d’un furoncle ou d’une môle hydatiforme. Ou bien (c’était une alternative) elle buvait des litres d’aneth pilé dilué dans l’eau de Vichy, attendant qu’une démangeaison vînt agacer la région ombilicale. Parfois, triant les extraits de légumes parmi les glaires acides, elle tentait de lire dans ses vomissures des morceaux d’avenir me concernant. (Mon père était par ailleurs invité à étudier ses vents.) Ma mère sut officiellement qu’elle était grosse grâce au test préconisé par une voisine suédoise, native de Stockholm (que mon père vénérait – on sut plus tard qu’il avait essayé de pratiquer sur sa personne une levrette dans les escaliers de secours, en vain) : — Bois du jus de courge dans du vin. Si tu vomis de suite, c’est que tu es enceinte. Si le doute persiste, tu placeras de l’orge et du blé dans deux sachets de toile que tu arroseras de ton urine chaque jour que Dieu fait : pareillement de l’orge et du blé, du sable dans les deux sacs. Si l’orge et le blé germent tous deux, tu enfanteras. Si c’est l’orge qui seule germe, ce sera un garçon. Si c’est le blé qui seul germe, ce sera une fille. S’ils ne germent ni l’un ni l’autre, tu n’enfanteras point. »

  2. La marmotte enchantée

    bonsoir,
    Je viens de découvrir ce blog via celui des Tribulations d’un Tubercule.
    Je ne connais Yann Moix que de nom. Je ne lirai pas son livre à priori car ce que tu en dis me décourage. Je n’aime pas les phrases salaces ou vulgaires surtout quand elles sont gratuites et n’apportent rien. Pourrais-tu citer quelques phrases que je puisse me faire une idée ?
    bonne soirée,

    1. Chère Marmotte,
      Merci pour ton commentaire. Je prendrai le temps, ce soir, de chercher et de recopier un extrait pour illustrer mon article.

      Par ailleurs, j’ai connu une marmotte qui était musicienne. Est-ce toi ?

      Bonne journée !

    2. Bienvenue La Marmotte enchantée,
      Lectrice de Madame Patate et admiratrice de Miss Potatoe Cat, je suis ravie qu’une autre lectrice soit venue jusqu’ici !
      Bonne journée.

  3. Yann Moix n’est finalement que le parfait reflet de l’époque où nous vivons. Qu’en est-t-il de la culture (de la vraie) et des talents (les vrais) inspirés ? Où est passée cette richesse de langage et ces messages que maîtrisaient autrefois les grands écrivains ?
    Nous sommes dans une société du « choc » des images et des mots exprimés. Nous le voyons bien avec le contenu de nos journaux écrits ou télévisuels qui deviennent de plus en plus concis, vulgaires et de moins en moins objectifs et porteurs de connaissance et de réelle réflexion. Il en est de même pour la littérature mise en avant par des médias plus en recherche de sensationnel que de culture. Tout ceci n’est finalement que du fast/food littéraire, vite acheté sous la pression médiatique, vite consommé (même 1152 pages… 🙂 ) et finalement très vite oublié. Je précise que je n’ai pas lu l’ouvrage et que je n’ai absolument rien contre Yann Moix qui n’est pour moi qu’un sous-produit, parmi tant d’autres, de cette culture de société de consommation. Ce « talent » a été découvert par Bernard Henri Lévy et, pour moi, cela suffit amplement à faire naître en moi un sentiment de méfiance car je considère que Mr Lévy n’a absolument aucun talent sinon celui de soutenir des guerres inutiles ; mais c’est une autre histoire.
    Je serais, par contre, plus en colère contre celles et ceux, chargés de nous aiguiller, qui mettent ces « nouveaux auteurs » sur un piédestal, le temps d’un concourt avec un prix à la clé (prix dans les deux sens du terme puisque chaque prix décerné rapporte énormément aux grosses maisons d’édition qui verrouillent pratiquement tout le marché). Il en est de même pour le monde du cinéma mais ceci est également une autre histoire bien que Yann Moix soit aussi réalisateur.

    Il existe en littérature un panel époustouflant de vrais talents, parfois peu connus, qui méritent notre détour bien que peu médiatisés. Sans parler des auteurs plus anciens dont on ne parle pratiquement plus. Y’a largement de quoi faire pour contenter notre plaisir de lire. J’espère sincèrement que les bouquinistes et les petits libraires continueront à exister et à nous conseiller amoureusement des lectures sympathiques. Vous l’aurez compris, Yann Moix n’aura pas mon soutien ni mon argent ! 🙂

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